Page:Kant - Critique de la raison pratique (trad. Picavet).djvu/199

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volcan, une bête féroce, mais jamais de respect. Une chose qui se rapproche beaucoup (schon näher tritt) de ce sentiment, c’est l'admiration et l’admiration comme affection, c’est-à-dire l'étonnement (Erstaunen), peut aussi s’appliquer aux choses, aux montagnes qui se perdent dans les nues, à la grandeur, à la multitude et à l’éloignement des corps célestes, à la force, et à l’agilité de certains animaux, etc. Mais tout cela n’est point du respect. Un homme peut être aussi pour moi un objet d’amour, de crainte ou d’une admiration qui peut même aller jusqu’à l’étonnement et cependant n’être pas pour cela un objet de respect. Son humeur badine, son courage et sa force, la puissance qu’il a d’après son rang parmi ses semblables, peuvent m’inspirer des sentiments (Empfindungen)1 de ce genre, mais il manque toujours encore le respect intérieur à son égard. Fontenelle dit : Devant un grand seigneur, je m’incline mais mon esprit ne s'incline pas. Je puis ajouter : Devant un homme de condition inférieure, roturière et commune (niedrigen, bürgerlich-gemeinen Mann)2 , en qui je perçois une droiture de caractère portée à un degré que je ne me reconnais pas à moi-même, mon esprit s’incline, que je le veuille ou non, et si haut que j’élève la tête pour ne pas lui laisser oublier ma supériorité. Pourquoi cela ? C’est que son exemple me présente une loi qui rabaisse ma présomption, quand je la compare avec ma conduite, c’est qu’il m’est prouvé


1 Sur la traduction de ce mot, voyez note 4, p. 135. (F. P.)

2 Barni traduit d’une façon peu précise : Devant l’humble bourgeois. Born dit mieux : homine humili atque ignobili ; et Abbot : an humble, plain man. (F. P.)