Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/327

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il est clair du moins par là que la connaissance par principes (en soi) est absolument autre chose que la simple connaissance de l’entendement : car celle-ci, bien que pouvant elle aussi précéder d’autres connaissances dans la forme d’un principe, ne repose pas cependant en elle-même (en tant qu’elle est synthétique) sur la simple pensée et ne renferme pas quelque chose d’universel par concepts.

Si nous disons de l’entendement qu’il est le pouvoir de ramener les phénomènes à l’unité au moyen des règles, il faut dire de la raison qu’elle est la faculté de ramener à l’unité les règles de l’entendement au moyen de principes. Elle ne se rapporte donc jamais immédiatement ni à l’expérience ni à un objet quelconque, mais à l’entendement, afin de procurer a priori et par concepts aux connaissances variées de cette faculté une unité qu’on peut appeler rationnelle et qui est entièrement différente de celle que l’entendement peut fournir.

Tel est le concept général du pouvoir qu’est la raison, autant qu’il est possible de le faire comprendre en l’absence totale des exemples (qui ne doivent être donnés que plus tard.)

B. — De l’usage logique de la raison.

On fait une distinction entre ce qui est immédiatement connu et ce que nous ne faisons qu’inférer. Que dans une figure limitée par trois lignes droites il y ait trois angles, on le connaît immédiatement ; mais que la somme de ces angles soit égale à deux droits, on ne fait que le conclure. Comme nous avons toujours besoin de conclure et que pour ce motif nous en avons entièrement pris l’habitude, nous finissons par ne plus remarquer bientôt cette distinction et nous prenons souvent, ainsi qu’il arrive dans ce qu’on appelle les illusions des sens, pour quelque chose d’immédiatement perçu, ce qui n’est pourtant que conclu. Il y a dans toute inférence une proposition qui sert de principe, une autre qui en est déduite, la conclusion, et enfin la mineure (die Schlussfolge-Consequenz) d’après laquelle la vérité de la dernière est nécessairement liée à la vérité de la première. Si le jugement inféré est déjà contenu dans le premier, de telle sorte qu’il en puisse être tiré sans l’intermédiaire d’une troisième représentation, l’inférence s’appelle alors immédiate (consequentia imme-