Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diata) ; j’aimerais mieux, pour ma part, l’appeler inférence intellectuelle. Mais si, outre la connaissance qui sert de fondement, il est encore besoin d’un autre jugement pour opérer la conclusion, l’inférence est alors une inférence rationnelle. Cette proposition que tous les hommes sont mortels contient déjà les propositions : quelques hommes sont mortels, quelques mortels sont hommes, rien de ce qui est immortel n’est homme, et ces propositions sont donc des conséquences immédiates de la première. Au contraire, cette proposition : tous les savants sont mortels n’est pas renfermée dans le jugement en question (car l’idée de savants n’y est pas du tout comprise) et elle n’en peut être tirée qu’au moyen d’un jugement intermédiaire.

Dans toute inférence rationnelle, je conçois d’abord une règle (major) par l’entendement ; ensuite je subsume une connaissance à la condition de la règle (minor), au moyen de la faculté de jugement. Enfin, je détermine ma connaissance par le prédicat de la règle (conclusio) et, par conséquent, a priori par la raison. Aussi le rapport que représente la majeure, comme règle, entre une connaissance et sa condition, constitue-t-il les diverses espèces d’inférences rationnelles. Il y a donc — exactement autant qu’il y a d’espèces de jugements a priori, suivant la manière dont ils expriment le rapport de la connaissance dans l’entendement — trois sortes de raisonnements[1], à savoir les catégoriques, les hypothétiques et les disjonctifs.

Si, comme il arrive le plus souvent, la conclusion se présente sous la forme d’un jugement, pour voir si ce jugement ne découle pas de jugements déjà donnés et par lesquels un tout autre objet est conçu, je cherche dans l’entendement l’assertion de cette conclusion, afin de voir si elle ne se trouve pas d’avance dans l’entendement, sous certaines conditions, d’après une règle générale. Or, si je découvre une condition de ce genre et si l’objet de la conclusion se laisse subsumer sous la condition donnée, cette conclusion est alors tirée de la règle qui s’applique aussi à d’autres objets

  1. Le mot Vernunftschluss, dont le sens général est celui de raisonnement, a été traduit dans tout ce passage par inférence rationnelle qui nous a paru préférable en l’espèce. On le trouvera quelquefois aussi rendu par syllogisme, qui est son sens le plus précis. Mais généralement, dans tout ce travail, c’est raisonnement qui lui correspond. (Note des trad.) .