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préface de la seconde édition

métaphysique bien établie en tant que science qui doit être nécessairement traitée d’une manière dogmatique et strictement systématique, donc scolastique (et non populaire) ; car c’est une exigence inévitable en métaphysique, puisque cette science s’engage à accomplir son œuvre tout à fait a priori et, par suite, à l’entière satisfaction de la raison spéculative. Dans l’exécution du plan que trace la Critique, c’est-à-dire dans le système futur de la métaphysique, nous devrons suivre un jour la rigoureuse méthode du célèbre Wolf, le plus grand de tous les philosophes dogmatiques, qui, le premier, montra (et, par cet exemple, fut en Allemagne l’initiateur de l’esprit de profondeur, qui n’est pas encore éteint) comment, par l’établissement régulier des principes, par la claire détermination des concepts, par la rigueur voulue des démonstrations et par le refus opposé (die Verhütung) aux sauts téméraires dans les conséquences, on peut entrer dans le sûr chemin d’une science. Il était par là même parfaitement apte à mettre une science comme la métaphysique dans cette situation, s’il avait eu l’idée de se préparer à l’avance le terrain par la critique de l’instrument, c’est-à-dire de la raison pure elle-même : c’est là une lacune qu’on doit attribuer plutôt à la façon dogmatique de penser de son temps qu’à lui-même et sur laquelle les philosophes, aussi bien ceux de son époque que ceux des temps passés, n’ont rien à se reprocher les uns aux autres. Ceux qui rejettent sa méthode, et, du même coup, le procédé de la Critique de la raison pure, ne peuvent pas avoir d’autre intention que de briser les liens de la science et de convertir le travail en jeu, la certitude en opinion, la philosophie en philodoxie.

Pour ce qui est de cette seconde édition, je n’ai pas voulu, comme de juste, laisser passer l’occasion qu’elle m’offrait d’enlever, autant que possible, les difficultés et les obscurités d’où peuvent être nées plusieurs fausses interprétations où sont tombés, peut-être par ma faute, des hommes perspicaces, en appréciant ce livre. Dans les propositions mêmes et dans leurs preuves, non plus que dans la forme et que dans l’ensemble du plan, je n’ai rien trouvé à changer, ce qui s’explique, en partie, par le long examen auquel j’avais soumis mon œuvre, avant de la livrer au public, en partie, par la nature même du sujet, à savoir par la nature d’une raison pure spéculative qui renferme une véritable organisation où