Page:Kant - Critique de la raison pure, 1905.djvu/89

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l’empirique, ou veiller à ce que la connaissance a priori soit complètement pure. Par conséquent, quoique les principes premiers de la moralité et ses concepts fondamentaux, soient des connaissances a priori, ils n’appartiennent cependant pas à la philosophie transcendantale[1], puisqu’ils impliquent les concepts de plaisir et de douleur, de désirs et d’inclinations, de libre arbitre, etc…, qui sont tous d’origine empirique. C’est pourquoi la philosophie transcendantale est une philosophie de la raison pure simplement spéculative. Tout ce qui touche à la pratique, en effet, en tant que renfermant des mobiles, se rapporte aux sentiments qui appartiennent aux sources empiriques de la connaissance.

Si, maintenant, on veut diviser sommairement cette science, d’après le point de vue universel d’un système, en général, la critique que nous entreprenons doit contenir : 1° Une théorie des éléments ; 2° une théorie de la méthode de la raison pure. Chacune de ces parties principales aurait sa subdivision dont nous n’avons pas encore toutefois à exposer ici les principes. Il est seulement nécessaire pour une introduction ou un avant-propos de noter qu’il y a deux souches de la connaissance humaine qui partent peut-être d’une racine commune, mais inconnue de nous, à savoir : la sensibilité et l’entendement ; par la première les objets nous sont donnés, mais par la seconde ils sont pensés. Or, en tant qu’elle devrait contenir des représentations a priori qui constituent les conditions sous lesquelles les objets nous sont donnés, la sensibilité appartiendrait à la philosophie transcendantale. La théorie transcendantale de la sensibilité devrait former la première partie de la science des éléments, puisque les conditions sous lesquelles seules sont donnés les objets de la connaissance humaine, précèdent celles sous lesquelles ces mêmes objets sont pensés.


  1. 2e  édition : Au lieu de « puisque… empirique » : puisque les concepts de plaisir et de douleur, de désirs et d’inclinations, etc. qui sont tous d’origine empirique, sans être par eux-mêmes les fondements des préceptes moraux, doivent néanmoins, comme obstacles qu’il faut surmonter dans le concept du devoir ou comme attraits dont on ne doit pas faire ses mobiles, nécessairement être compris dans le système de moralité pure.