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de l’espace

puisé dans la commune expérience externe, les premiers principes de la détermination mathématique ne seraient rien que des perceptions. Ils auraient donc toute la contingence de la perception ; et il ne serait pas nécessaire qu’entre deux points il n’y ait qu’une seule ligne droite, mais l’expérience nous apprendrait qu’il en est toujours ainsi. Ce qui est dérivé de l’expérience n’a qu’une généralité relative, c’est-à-dire par induction. Il faudrait donc aussi se borner à dire, d’après les observations faites jusqu’ici, qu’on n’a pas trouvé d’espace qui eût plus de trois dimensions >[1].

4)[2] L’espace n’est pas un concept discursif, ou, comme on dit, un concept universel de rapport des choses en général, mais une pure intuition. En effet, on ne peut d’abord se, représenter qu’un espace unique, et, quand on parle de plusieurs espaces, on n’entend par là que les parties d’un seul et même espace. Ces parties ne sauraient, non plus, être antérieures à cet espace unique qui comprend tout (allbefassenden), comme si elles en étaient les éléments (capables de le constituer par leur assemblage), mais elles ne peuvent, au contraire, être pensées qu’en lui. Il est essentiellement un ; le divers qui est en lui et, par conséquent, aussi le concept universel d’espace en général, repose en dernière analyse sur des limitations. Il suit de là que, par rapport à l’espace, une intuition a priori (qui n’est pas empirique) est à la base de tous les concepts que nous en formons. C’est ainsi que tous les principes géométriques, — par exemple, que dans un triangle, la somme de deux côtés est plus grande que le troisième, — ne sont jamais déduits des concepts généraux de la ligne et du triangle, mais de l’intuition, et cela a priori et avec une certitude apodictique.

5) L’espace est représenté donné comme une grandeur infinie. Un concept général (qui est commun au pied aussi bien qu’à l’aune) ne peut rien déterminer relativement à la grandeur. S’il n’y avait pas un infini sans limites dans le progrès de l’intuition, nul concept de rapports ne contiendrait en soi un principe de son infinité[3].

  1. Supprimé dans la 2e édition.
  2. 2e édition, 3).
  3. 2e édition, 4) à la place de 5) : L’espace est représenté comme une grandeur infinie donnée. Or, il faut, sans doute, penser tout concept, comme une représentation contenue dans une multitude infinie de