Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vi
ANALYSE DE LA CRITIQUE


leur et le prix (Ibid.) ? » Ce qui est précisément l’objet de la critique de la raison pure.

Conjonction des jugements analytiques et des jugements synthétiques.

Pour résoudre ces questions, il faut d’abord établir une distinction capitale parmi les jugements à priori : il y a des jugements à priori qui sont purement analytiques, et il y en a qui sont synthétiques (v. p. 54). Mais quelle différence y a-t-il en général entre les jugements analytiques et les jugements synthétiques ? C’est que, dans les premiers (celui-ci, par exemple, tous les corps sont étendus), le prédicat est implicitement contenu dans le sujet, de telle sorte qu’il suffit d’analyser le sujet pour en tirer le prédicat, tandis que les seconds (comme celui-ci : tous les corps sont pesants) ajoutent au concept du sujet un prédicat qui n’y était pas conçu et qu’aucune analyse n’en pourrait faire sortir. Aussi Kant appelle-t-il encore les premiers explicatifs, et les seconds, extensifs. Appliquons maintenant cette distinction aux jugements à priori. S’il en est d’analytiques, il en est aussi de synthétiques. Tels sont en général tous ceux qui servent de principes aux sciences théorétiques issues de la raison (v. p. 58). Kant pense même, contrairement à la doctrine généralement admise, que les jugements mathématiques, à l’exception de quelques axiomes (comme a a, ou : le tout est plus grand que sa partie), sont synthétiques. Il est curieux de voir comment il prétend le démontrer :

Que les propositions mathématiques sont des jugements synthétiques à priori.

« On est sans doute, dit-il (p. 59), tenté de croire d’abord que cette proposition 7 5 = 12 est une proposition purement analytique, qui résulte, suivant le principe de contradiction, du concept de la somme de sept et de cinq. Mais, quand on y regarde de plus près, on trouve que le concept de la somme de 7 et de 5 ne contient rien de plus que la réunion de deux nombres en un seul, et qu’elle ne nous fait nullement connaître quel est ce nombre unique qui contient les deux autres. L’idée de douze n’est point du tout conçue par cela seul que je conçois cette réunion de cinq et de sept, et j’aurais beau analyser mon concept d’une telle somme possible, je n’y trouverais point le nombre douze. Il faut que je sorte de ces concepts en ayant recours à l’intuition qui correspond à l’un des deux, comme par exemple à celle des cinq doigts de la main, ou à celle de cinq points, et que j’ajoute ainsi peu à peu au « concept de sept les cinq unités données dans l’intuition. En effet, je prends d’abord le nombre 7, et en me servant pour le


I. A