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DE LA RAISON PURE

La déduction qui précède a expliqué l’origine et justifié la valeur des catégories de l’entendement en montrant d’une manière générale que leur rôle est de rendre l’expérience possible ; il s’agit maintenant de chercher par quel moyen elles la rendent possible, et quels sont les principes qu’elles fournissent dans leur application aux phénomènes. Tel est le double objet du livre {Livre deuxième) auquel nous sommes arrivés et qui porte le titre d’Analytique des principes.

La première question qu’il contient est celle du moyen ou de la condition qui seule permet d’appliquer à des phénomènes les concepts purs de l’entendement et qui rend par là l’expérience possible. Pour pouvoir dire qu’un objet est renfermé dans un concept, il faut que la représentation de cet objet soit homogène avec ce concept. « Ainsi, suivant l’exemple employé par Kant (p. 198-199), le concept empirique d’une assiette a quelque chose d’homogène avec le concept purement géométrique d’un cercle, puisque la forme qui est pensée dans le premier est perceptible dans le second. » Or les concepts purs de l’entendement ne sont nullement, par leur nature propre, homogènes avec les intuitions sensibles que nous avons à y subsumer dans nos jugements. Comment donc les premiers, par exemple le concept de la causalité, peuvent-ils s’appliquer aux secondes ? Telle est la question que Kant se pose. Le moyen de la résoudre a déjà été indiqué ; il ne s’agit plus que de le développer.

Puisqu’il n’y a aucune homogénéité entre les catégories de l’entendement et les phénomènes auxquels elles s’appliquent, attendu que les premières sont de nature intellectuelle, tandis que les secondes sont de nature sensible, il faut bien, pour que cette application soit possible, qu’entre ces deux termes il y en ait un troisième qui soit homogène, d’un côté, à la catégorie, et de l’autre, au phénomène, et permette d’appliquer l’une à l’autre. Or ce terme intermédiaire nous est précisément fourni par le temps, lequel est à la fois homogène au phénomène, en tant qu’il est impliqué dans chacune de nos diverses représentations empiriques, et à la catégorie, en tant qu’il leur fournit une règle à priori. C’est le temps qui nous permet de donner aux concepts purs de l’entendement la forme qui les rend applicables aux phénomènes. Soit, par exemple, la catégorie de la quantité ; comment la déterminer dans le nombre et faire qu’elle