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Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/46

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DE LA RAISON PURE


deux catégories de la quantité et de la qualité. Il ne faudrait pas croire, d’après ce titre, qu’il s’agit ici des principes des mathématiques : ceux-ci supposent aussi sans doute l’entendement ; mais au lieu de dériver des concepts purs de cette faculté, ils ont leur source dans les intuitions pures de la sensibilité. Cependant, tout en se distinguant de ces derniers, les principes auxquels Kant donne ici le nom de mathématiques, justifient bien ce titre par l’espèce de certitude (intuitive) qui leur est propre et qui les distingue des principes correspondant aux dernières catégories. Je ne fais ici qu’indiquer ce point, qui trouvera plus loin son éclaircissement, et j’arrive tout de suite au premier des principes mathématiques, que Kant désigne sous le titre d’axiomes de l’intuition, et qu’il formule ainsi (p. 221) : toutes les intuitions sont des qualités extensives.

Axiomes de l’intuition.

La représentation d’un objet n’étant possible qu’au moyen de la synthèse des éléments divers de l’intuition réunis par la conscience en un tout homogène, implique l’idée d’une quantité (d’un quantum) ; et, comme toute intuition a nécessairement pour forme l’espace et le temps, et que tout phénomène est la représentation d’un espace ou d’un temps déterminé, on peut dire en ce sens que tout phénomène est une quantité extensive. Ce qui caractérise cette espèce de quantité, c’est que la représentation des parties y rend possible celle du tout et la précède nécessairement. Ainsi je ne puis me représenter une quantité de temps déterminé, par exemple une minute, que par l’addition successive de toutes les parties, ici des secondes, d’où résulte cette quantité. Il en est de même des lignes et des figures que nous nous représentons dans l’espace : « Je ne puis me représenter une ligne, si petite qu’elle soit, sans la tirer par la pensée, c’est-à-dire sans en produire successivement toutes les parties d’un point à un autre, et sans en retracer enfin de la sorte toute l’intuition (p. 222) ; » et c’est sur cette synthèse successive de l’imagination productive dans la création des figures que se fonde la science mathématique de l’étendue ou la géométrie. Tel est le fondement de tous les axiomes qui expriment les conditions à priori non-seulement de l’intuition pure, mais aussi de l’intuition empirique, puisque la seconde n’est possible que par la première, et que les vérités de la géométrie sont elles-mêmes des principes de l’expérience.