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Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/47

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ANALYSE DE LA CRITIQUE

Anticipations de la perception.

Le second des principes désignés par Kant sous le nom de principes mathématiques se rapporte à une seconde espèce de quantité, la quantité intensive, qui, au lieu de résulter, comme la précédente, d’une synthèse successive des parties, est conçue du premier coup comme une unité, dont la pluralité n’est exprimée que par son plus ou moins grand rapprochement de la négation = 0 : c’est ce que l’on nomme en langue ordinaire le degré. Ce second principe, qui est celui de ce que Kant appelle les anticipations de la perception, se formule ainsi : Dans tous les phénomènes le réel, qui est un objet de sensation, a une quantité intensive, c’est-à-dire un degré.

Tout phénomène contient une matière qui est donnée par la sensation, par exemple, la chaleur, la couleur, la pesanteur, et qui en constitue le réel, par opposition à la forme. Or ce réel, considéré soit dans la sensation, soit dans l’objet de la sensation, a une quantité intensive, en ce sens qu’il est susceptible d’un degré plus ou moins élevé, depuis jusqu’à Z, et que ce degré nous est donné au moyen d’une simple sensation, comme une unité, qui peut sans doute croître ou décroître insensiblement, mais qui ne résulte pas de la synthèse successive de plusieurs sensations.

Mais d’où vient que Kant regarde le principe dont nous venons d’expliquer la formule comme un principe d’anticipations de la perception ? Anticiper sur l’expérience, c’est déterminer à priori ce qui appartient à la connaissance empirique : c’est ainsi que les connaissances mathématiques sont des anticipations de phénomènes, parce qu’elles représentent à priori ce qui nous est ensuite donné à posteriori dans l’expérience ; mais ne semble-t-il pas étrange d’anticiper sur l’expérience en cela même qui constitue la matière, c’est-à-dire en ce qui nous est donné par la sensation ? C’est pourtant ce qui arrive, suivant Kant. Selon lui, le principe dont il s’agit ici exerce une grande influence en anticipant sur les perceptions, ou en les suppléant au besoin, de manière à fermer la porte à toutes les fausses conséquences qui pourraient en résulter. Il donne un exemple de l’importance de ce principe.

Pour expliquer comment un même volume peut contenir des quantités diverses de matière, comment, par exemple, une boule d’ivoire pèse moins qu’une boule de plomb d’égale grosseur, les