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ANALYSE DE LA CRITIQUE


de l’eau : d’horizontale qu’elle était, elle est devenue concave ; je reconnais ainsi le rapport de causalité qui existe entre le verre et l’élévation de l’eau ; mais, une fois que j’ai constaté ce rapport, rien ne m’empêche de juger et je juge en réalité que l’effet : l’élévation de l’eau, est contemporain de sa cause : le verre.

Reste cette question : « Comment se fait-il qu’à un état qui a lieu dans un certain moment puisse succéder, dans un autre moment, un état opposé (p. 266). » Kant admet bien que nous ne pouvons avoir à priori la notion d’un tel changement, mais que nous avons besoin pour cela de la connaissance des forces réelles, des forces motrices de la nature, ou des phénomènes qui nous les révèlent, et que cette connaissance ne peut nous être fournie que par l’expérience. Mais la loi même qui constitue la condition de tout changement et qui en est la forme peut être posée à priori, comme la loi de la causalité, dont elle n’est qu’une détermination. Or la condition de tout changement, c’est l’action continue de la causalité. En effet, tout passage d’un état à un autre a toujours lieu dans un temps contenu entre deux moments, dont le premier détermine l’état d’où sort lu chose (par exemple l’état liquide), et le second, celui où elle arrive (par exemple l’état solide sous l’action du froid). Mais, comme la « cause qui produit ce changement ne le produit pas tout d’un coup, mais dans un temps que remplit le changement tout entier, il faut que son action s’exerce d’une manière continue en passant par tous les degrés intermédiaires entre le premier et le dernier. Telle est la loi de la continuité de tout changement. Elle repose sur ce principe que le phénomène dans le temps, comme le temps lui-même, ne se compose pas de parties qui soient les plus petites possibles, et que pourtant la chose, dans son changement, n’arrive à son second état qu’en passant par toutes ces parties comme par autant d’éléments (v. p. 267-268).

Ce principe n’est pas d’une médiocre importance pour l’investigation de la nature ; mais comment un principe qui semble étendre si loin notre connaissance de la nature est-il possible à priori ? Kant répond à cette dernière question par cette remarque : tout passage de la perception à quelque chose qui suit étant une détermination du temps opérée par la production de cette perception, et, cette détermination étant toujours et dans