Aller au contenu

Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxvi
ANALYSE DE LA CRITIQUE


la pensée (p. 9). Cette simple représentation, je pense, ne me fait donc pas connaître à moi-même comme objet, mais seulement comme sujet, capable de déterminer la pensée au moyen de l’intuition, ou, suivant l’expression par laquelle Kant traduit ici cette idée, comme moi déterminant ; le moi déterminable, ou qui ne peut être déterminé qu’au moyen de l’intuition, ne m’est pas donné par là.

Cette remarque générale sert à découvrir le paralogisme de tous les raisonnements de la psychologie rationnelle.

Quand je dis : je pense, je me considère sans doute comme un sujet, c’est là une proposition identique ; mais cela ne veut pas dire que je sois, comme objet, une substance (un être existant par moi-même). Cette seconde proposition exigerait, pour être prouvée, des données que ne peut fournir l’analyse des conditions générales de la pensée.

Il en est de même quant à la simplicité de l’âme. Le je pense implique sans doute un sujet simple, non multiple, c’est encore là une proposition analytique ; mais de ce que le sujet de la pensée est simple, il ne s’en suit pas que je sois moi-même une substance simple. Pour établir cette dernière proposition, qui ne serait plus analytique, mais synthétique, il faudrait, ici encore, des données dont nous sommes tout à fait dépourvus, ne possédant, d’une part, que des intuitions sensibles, et, d’autre part, que des concepts qui n’ont par eux-mêmes aucune valeur objective. « Aussi bien, ajoute Kant (p. 11), serait-il étrange que ce qui exige ailleurs tant de précautions, pour discerner ce qui est proprement substance dans ce que présente l’intuition, et à plus forte raison pour reconnaître si cette substance peut être simple (comme quand il s’agit des parties de la matière), me fût donné ici par une sorte de révélation, et cela justement dans la plus pauvre de toutes les représentations. »

De même encore quant à ma propre identité. L’identité du sujet est également contenue dans le concept même de la pensée ; mais cette identité du sujet ne signifie pas l’identité de la personne, en tant que substance. Pour prouver celle-ci, il ne suffit plus d’analyser la proposition : je pense ; il faudrait une intuition où le sujet serait donné comme objet, mais cette sorte d’intuition n’est pas la nôtre.