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Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/95

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ANALYSE DE LA CRITIQUE

Mais il reste toujours à démontrer cette illusion, c’est-à-dire à donner la solution de la dialectique cosmologique. Pour cela Kant nous renvoie à l’idéalisme transcendental, qui seul, selon lui, peut nous la fournir.

On se le rappelle, l’idéalisme transcendental, que Kant nomme aussi (p. 99) l’idéalisme formel (pour le distinguer de l’idéalisme naturel, ou de cet idéalisme ordinaire qui révoque en doute ou nie l’existence des choses extérieures mêmes), l’idéalisme transcendental, dis-je, tout en admettant la réalité des choses que nous nous représentons dans l’espace et dans le temps, soutient que ces choses ne nous sont pourtant pas connues telles qu’elles sont en soi, mais seulement telles qu’elles nous apparaissent, ou comme phénomènes, et qu’en ce sens ceux-ci n’étant rien que des représentations n’ont aucune existence en dehors de notre esprit (1)[1]. Cette vérité s’applique à cet objet même que nous nommons l’esprit ou le moi : nous ne le connaissons pas tel qu’il existe en soi, mais seulement comme la manifestation sensible d’un être dont la nature en soi nous demeure inconnue, et c’est à ce titre seul qu’il est réel pour nous. Les phénomènes, internes ou externes, que nous percevons ainsi, ou que nous pouvons concevoir comme objets d’une expérience possible, ou suivant les lois mêmes de cette expérience, nous pouvons bien les rapporter à quelque chose de purement intelligible que Kant propose d’appeler un objet transcendental ; mais cet objet nous est entièrement inconnu par cela même qu’il est placé en dehors des conditions de notre faculté d’intuition sensible (l’espace et le temps) ; et, en raison même de ces conditions, les phénomènes ne sont pour nous que de simples représentations. Or là est précisément le moyen qui doit servir à résoudre le conflit cosmologique de la raison avec elle-même. Ce conflit naît de l’illusion qui consiste à prendre des phénomènes pour des choses en soi : il est produit par une apparence résultant de ce que l’on applique à des phé-

  1. (1) J’ai rédigé ce résumé de manière à en effacer la contradiction manifeste qui se trouve ici dans les termes employés par Kant (v. p. 100 de ma traduction). J’examinerai plus tard si la contradiction n’est pas dans le fond même de la doctrine, ce qui expliquerait comment elle se traduit ainsi jusque dans la forme ; mais il convient ici de présenter la pensée de Kant dans les termes les plus propres à la faire, je ne dis pas accepter, mais comprendre.