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Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/94

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DE LA RAISON PURE


l’entendement, si bien que L’objet ne s’adaptant pas à l’idée, de quelque manière qu’on essaie de l’y appliquer, il est naturel d’en conclure qu’elle est entièrement vide, et l’on est conduit à rechercher si telle ne serait pas en effet la solution demandée. Kant expose ce résultat pour chacun des quatre problèmes cosmologiques. Je ne le suivrai pas dans tout ce détail, mais j’en donnerai une couple d’exemples.

Soit d’abord ce problème : le monde a-t-il, ou n’a-t-il pas de commencement ? Supposez qu’il n’en ait pas, il est alors trop grand pour votre concept ; car ce concept, consistant dans une régression successive, ne saurait jamais atteindre toute l’éternité écoulée. Supposez au contraire qu’il en ait un, il est alors trop petit pour votre concept ; car le commencement présupposant toujours un temps antérieur et n’étant pas lui-même inconditionnel, la loi de l’entendement nous force à remonter encore à ans condition plus élevée, et par conséquent le monde tel qu’on le suppose ici est trop petit pour cette loi. — De même de la double réponse faite à la question qui concerne la grandeur du monde quant à l’espace. Est-il infini, il est alors trop grand pour tout concept empirique possible ; est-il fini, qu’est-ce qui détermine cette limite ? Un monde limité est trop petit pour votre concept.

Soit encore ce problème : Tout est-il enchaîné dans le monde suivant des lois nécessaires, ou bien y a-t-il place quelque part pour la liberté ? Dans le premier cas, la série des conditions ou des causes étant infinie à parte priori, le monde ainsi conçu est trop grand pour notre concept de la synthèse des événements ; dans le second au contraire, il est trop petit, car le pourquoi de la causalité libre que vous admettez vous force à remonter au delà de ce point où vous voudriez vainement vous arrêter.

On voit par ces exemples comment les idées cosmologiques se trouvent ou trop grandes ou trop petites par rapport aux concepts de l’entendement ; et, comme ces concepts sont la seule mesure d’après laquelle nous pouvons apprécier la valeur objective des idées, nous sommes conduits à soupçonner que celles-ci ne sont peut-être que des êtres de raison, ce qui nous met déjà dans la bonne voie pour arriver à découvrir l’illusion qui nous a si longtemps trompés (v. p. 98).