Page:Kant - Critique de la raison pure, I.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
INTRODUCTION


lement réussi, il est bien permis à chacun de douter de sa possibilité.

Cependant cette espèce de connaissance peut aussi en un certain sens être considérée comme donnée, et la métaphysique est bien réelle, sinon à titre de science, du moins à titre de disposition naturelle[ndt 1] (metaphysica naturalis). En effet la raison humaine, poussée par ses propres besoins, et sans que la vanité de beaucoup savoir y soit pour rien, s’élève irrésistiblement jusqu’à ces questions qui ne peuvent être résolues par aucun usage expérimental de la raison ni par aucun des principes qui en émanent. C’est ainsi qu’une sorte de métaphysique se forme réellement chez tous les hommes, dès que leur raison est assez mûre pour s’élever à la spéculation ; cette métaphysique-là a toujours existé et existera toujours. Il y a donc lieu de poser ici cette question : comment la métaphysique est-elle possible à titre de disposition naturelle ? c’est-à-dire comment naissent de la nature de l’intelligence humaine en général ces questions que la raison pure s’adresse et que ses propres besoins la poussent à résoudre aussi bien qu’elle le peut ?

Comme dans toutes les tentatives faites jusqu’ici pour résoudre ces questions naturelles, par exemple celle de savoir si le monde a eu un commencement ou s’il existe de toute éternité, on a toujours rencontré d’inévitables contradictions, on ne saurait se contenter de cette simple disposition à la métaphysique dont nous venons de parler, c’est-à-dire se reposer sans examen[ndt 2] sur cette seule faculté de la raison pure qui ne manque pas de produire une certaine métaphysique (bonne ou mauvaise) ; mais

  1. Naturanlage.
  2. Ces mots sans examen ne sont pas dans le texte, mais ils sont conformes à la pensée de Kant et la rendent plus claire. J.B.