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DISCIPLINE DE LA RAISON PURE


On se borne à concevoir ces idées problématiquement, afin de fonder à leur point de vue (en les prenant comme des fictions euristiques) des principes régulateurs de l’usage systématique de l’entendement dans le champ de l’expérience. Si l’on s’éloigne de ce champ, elles ne sont plus que des êtres de raison, dont la possibilité n’est pas démontrable, et qui par conséquent ne peuvent être non plus donnés pour fondement, par hypothèse, à l’explication de phénomènes réels. Il est tout à fait permis de concevoir l’âme comme simple, afin de donner, suivant cette idée, pour principe à notre manière de juger ses phénomènes intérieurs une unité parfaite et nécessaire de toutes les facultés, bien qu’on ne puisse l’apercevoir in concreto. Mais admettre l’âme comme une substance simple (ce qui est un concept transcendant), serait une proposition non-seulement indémontrable (comme le sont plusieurs hypothèses physiques), mais tout à fait arbitraire et aveugle, parce que le simple ne peut se présenter dans aucune expérience, et que, si l’on entend ici par substance l’objet permanent de l’intuition sensible, la possibilité d’un phénomène simple ne peut être aperçue. La raison ne nous autorise nullement à admettre, à titre d’opinion, des êtres purement intelligibles ou des qualités purement intelligibles des choses du monde sensible, bien que (comme on n’a aucun concept de leur possibilité ou de leur impossibilité) aucune vue soi-disant meilleure ne nous permette de les nier dogmatiquement.

Pour expliquer des phénomènes donnés, on ne peut employer d’autres choses et d’autres principes d’explication que ceux qui se rattachent aux choses ou aux principes donnés suivant les lois déjà connues des phénomè-


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