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ANALYTIQUE DU SUBLIME.


a pour effet de l’étendre, et qu’il sent combien toute la puissance de son imagination est inférieure aux idées de sa raison.

Les exemples du sublime mathématique de la nature, dans la simple intuition que nous en avons, nous présentent tous des cas où on donne moins pour mesure à l’imagination un grand concept numérique qu’une grande unité (afin d’abréger les séries numériques). Nous estimons la grandeur d’un arbre d’après celle de l’homme ; cette grandeur sert sans doute ensuite de mesure pour une montagne, et si celle-ci est haute d’un mille, elle peut servir d’unité pour le nombre qui exprime le diamètre de la terre, et faire de celui-ci un objet d’intuition. A son tour ce diamètre peut servir pour tout le système planétaire que nous connaissons ; celui-ci pour celui de la Voie Lactée, et pour l’innombrable quantité de ces voies lactées appelées étoiles nébuleuses, qui constituent probablement entre elles un semblable système, et il n’y a pas ici de limites à chercher. Or le sublime, dans le Jugement esthétique que nous portons sur un tout aussi immense, consiste moins dans la grandeur du nombre qu’en ce qu’en avançant nous arrivons toujours à des unités plus grandes, en quoi nous sommes aidés par la description systématique du monde. C’est ainsi que toute la nature nous paraît petite à son tour, et que notre imagination, malgré toute