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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE


marché, aux lecteurs de ses voyages les sentiments qui élèvent l’âme.

Mais si le jugement sur le sublime de la nature suppose une certaine culture (beaucoup plus que le jugement sur le beau), il n’est pas originairement né de cette culture, et ce n’est point une convention qui l’a introduit dans la société, mais il a son fondement dans la nature humaine, dans une qualité qu’on peut exiger de tous avec l’intelligence commune, à savoir dans cette disposition de notre nature sur laquelle se fonde le sentiment des idées (pratiques), c’est-à-dire le sentiment moral.

Or là est précisément le principe de la nécessité que nous attribuons à nos jugements sur le sublime en exigeant l’assentiment d’autrui. De même en effet que nous reprochons un manque de goût à celui qui reste indifférent en présence d’un objet de la nature que nous trouvons beau, nous disons de celui qui n’éprouve aucune émotion devant quelque chose que nous jugeons sublime, qu’il n’a pas de sentiment. Nous exigeons ces deux choses de tout homme, et s’il a quelque culture, nous les y supposons. Il n’y a ici d’autre différence sinon que, dans la première le Jugement se bornant à rapporter l’imagination à l’entendement comme à la faculté des concepts, nous l’exigeons directement de chacun, tandis que, dans la seconde le Jugement rapportant l’imagination à la raison comme à la