Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/361

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de notre jugement, et que, lorsqu’il s’agit de juger si une chose est belle ou non, le Jugement esthétique est lui-même législatif. Cela serait en effet impossible dans l’hypothèse du réalisme de la finalité de la nature, car alors nous apprendrions de la nature ce que nous aurions à trouver beau, et le jugement de goût serait soumis à des principes empiriques. Or dans cette sorte de jugement, il ne s’agit pas de savoir ce qu’est la nature ou même quelle fin elle se propose par rapport à nous, mais quel effet elle produit sur nous. Dire que la nature a formé ses figures pour notre satisfaction, ce serait encore y reconnaître une finalité objective, et non pas admettre seulement une finalité subjective, reposant sur le jeu de l’imagination en liberté ; dans cette dernière opinion, c’est nous qui accueillons la nature avec faveur, ce n’est pas elle qui nous en fait une. La propriété qu’a la nature de nous fournir l’occasion de percevoir dans le rapport des facultés de connaître, s’exerçant sur quelques-unes de ses productions, une finalité interne que nous devons regarder, en vertu d’un principe supra-sensible, comme nécessaire et universelle ; cette propriété ne peut être une fin de la nature, ou plutôt nous ne pouvons la regarder comme telle, car alors, le jugement, qui serait déterminé par là, serait hétéronome, et non point libre et autonome, comme il convient à un jugement de goût.