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DU SENTIMENT DU BEAU ET DU SUBLIME.


tives. Je n’arrêterai mes regards, pour le moment, que sur quelques points remarquables de ce champ, et j’y porterai plutôt l’œil d’un observateur que celui d’un philosophe.

Comme l’homme ne se trouve heureux qu’autant qu’il satisfait une inclination, le sentiment qui le rend capable d’éprouver de grandes jouissances, sans avoir besoin pour cela de talents extraordinaires, n’est certainement pas peu de chose. Des personnes bien portantes, qui ne connaissent pas d’auteur plus spirituel que leur cuisinier, et d’ouvrages de meilleur goût que ceux qui sont dans leur cave, trouveront dans des propos cyniques et dans de lourdes plaisanteries un plaisir tout aussi vif que celui dont se vantent des personnes douées d’une sensibilité plus délicate. Le riche qui aime la lecture des livres, parce qu’elle l’endort à merveille ; le marchand qui n’estime d’autre plaisir que celui dont jouit l’homme prudent qui calcule les avantages de son commerce ; le voluptueux qui n’aime les femmes que pour la jouissance physique ; l’amateur de la chasse, qu’il se plaise à celle des mouches comme Domitien, ou à celle des bêtes sauvages comme A…, tous ont une sensibilité qui les rend capables de jouir à leur manière, sans avoir besoin d’envier d’autres plaisirs, ou même sans pouvoir s’en faire une idée, mais ce n’est pas ce qui doit maintenant fixer mon attention. Il y a