Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
DES DIFF. OBJETS DU SENTIMENT DU BEAU, ETC.


en outre un sentiment plus délicat, auquel on donne cette épithète, soit parce qu’on en peut jouir plus longtemps sans satiété et sans fatigue, soit parce qu’il suppose, pour ainsi dire, une certaine irritabilité de l’âme, qui la rend propre, en même temps, aux mouvements vertueux, soit enfin parce qu’il annonce des talents et des qualités d’esprit supérieures, tandis qu’au contraire les autres sentiments peuvent se rencontrer chez l’homme le plus dépourvu d’idées. C’est ce sentiment que je veux considérer par un côté. J’en écarte cette inclination pour les hautes connaissances, et cet attrait auquel un Kepler était si sensible, lorsqu’il disait, comme Bayle le rapporte, qu’il ne donnerait pas une de ses découvertes pour un royaume. Ce sentiment est trop délicat pour rentrer dans cette esquisse, qui ne touchera que cet autre sentiment des sens, dont sont capables aussi des âmes plus communes.

Le sentiment délicat, que nous voulons examiner ici, comprend deux espèces : le sentiment du sublime et celui du beau. Tous deux nous émeuvent agréablement, mais très-diversement. L’aspect d’une chaîne de montagnes dont les sommets couverts de neige s’élèvent au-dessus des nuages, la description d’un violent orage, ou la peinture que nous fait Milton du royaume infernal, excitent en nous une satisfaction mêlée d’horreur. Au contraire, la vue de prairies émaillées de fleurs, de