Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/74

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Mais ce qu’il y a de certain, c’est que, dans ce système, la liaison des fins dans le monde ne peut être considérée comme intentionnelle (puisque, si elle dérive d’un être premier, ce n’est pas de son entendement, et, par conséquent, d’un dessein de cet être, mais de la nécessité de sa nature et de l’unité du monde qui en émane), et que, par conséquent, le fatalisme de la finalité en est en même temps un idéalisme.

2. Le réalisme de la finalité de la nature est ou physique ou hyperphysique. Le premier fonde les fins qu’il trouve dans la nature sur une puissance naturelle analogue à une faculté agissant d’après un but, la vie de la matière (appartenant à la matière-même, ou dérivant d’un principe intérieur vivant, d’une âme du monde), et s’appelle l’hylozoïsme le second les dérive de la cause première de l’univers, comme d’un être intelligent (originairement vivant) agissant avec intention ; et c’est le théisme[1].

  1. On voit par là que, dans la plupart des choses spéculatives de la raison pure, les écoles philosophiques ont essayé toutes les solutions dogmatiques possibles sur une certaine question. Ainsi, pour expliquer la finalité de la nature, on a eu recours tantôt à une matière inanimée, tantôt à un Dieu inanimé, tantôt à une matière vivante, tantôt à un Dieu vivant. Il ne nous reste plus qu’à abandonner, s’il est nécessaire, toutes ces assertions objectives, et à examiner critiquement notre jugement dans son rapport à nos facultés de connaître, afin de donner à leur principe sinon une valeur dogmatique, du moins celle d’une maxime qui suffise à diriger la raison d’une manière sûre.