Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
INTRODUCTION.

Il n’y a ici d’autre devoir que de cultiver la conscience, de donner son attention à la voix de ce juge intérieur, et d’employer tous les moyens (ce qui par conséquent n’est qu’un devoir indirect) pour la bien entendre.


c.


De l’amour des hommes.


L’amour est une affaire de sentiment, non de volonté : je ne puis aimer, parce que je le veux, et encore moins parce que je le dois (je ne puis être forcé à l’amour) ; un devoir d’aimer est donc un non-sens. Mais la bienveillance[1] (amor benevolentiæ) peut être soumise comme fait à la loi du devoir. À la vérité on donne souvent aussi (quoique très improprement) le nom d’amour à la bienveillance désintéressée qu’on peut montrer à l’égard des hommes ; et même là où il ne s’agit pas seulement du bonheur d’autrui, mais du libre et entier sacrifice de toutes ses fins à celles d’un autre être (même d’un être supérieur à l’humanité), on parle d’un amour qui est en même temps un devoir pour nous. Mais tout devoir implique une contrainte, quoique ce puisse être une contrainte exercée sur soi-même au nom d’une loi. Or ce que l’on fait par contrainte, on ne le fait pas par amour.

C’est un devoir de faire du bien aux autres hommes dans la mesure de son pouvoir, qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, et ce devoir ne perdrait rien de son

  1. Wohlwollen.