Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
DOCTRINE DE LA VERTU

Comme dans ce chapitre il ne s’agit que de devoirs négatifs, et par conséquent d’omissions, les articles des devoirs envers soi-même doivent être ici dirigés contre les vices opposés à ces devoirs.




ARTICLE PREMIER.


Du suicide.


§ 6.


La mort volontaire[1] ne peut être appelée suicide[2] (homicidium dolosum) qu’autant qu’on peut prouver qu’elle est en général un crime commis, ou bien simplement sur notre propre personne, ou bien aussi sur la personne d’autrui par le moyen de la nôtre (comme par exemple quand une femme enceinte se donne la mort).

Le suicide est un crime (un meurtre). On peut le considérer aussi comme une transgression de notre devoir envers les autres hommes (comme de celui des époux les uns envers les autres, ou des parents envers les enfants, ou des sujets envers leurs magistrats, ou envers leurs concitoyens ; ou bien encore comme une transgression de notre devoir envers Dieu, en ce sens que l’homme abandonne par là, sans en avoir été relevé, le poste qui lui a été confié en ce monde) ; – mais la question ici est uniquement de savoir si le sui-


  1. Die willkührliche Entleibung seiner selbst.
  2. Selbstmord, littéralement meurtre de soi-même ; notre mot suicide, tiré du latin, traduit mal ici l’expression allemande. J. B.