Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
DOCTRINE DE LA VERTU


personne (homo noumenon), à laquelle pourtant était confiée la conservation de l’homme (homo phænomenon).

Se priver d’une partie intégrante, d’un organe (se mutiler), par exemple donner ou vendre une de ses dents pour qu’elle aille orner les gencives d’un autre, ou se soumettre à la castration pour devenir un chanteur plus recherché, etc., c’est commettre un suicide partiel. Mais il n’en est pas de même de l’amputation d’un membre gangréné, ou qui menace de le devenir et met la vie en danger. On ne peut considérer non plus comme un crime envers sa propre personne l’action de couper quelque partie du corps qui n’est point un organe, comme les cheveux par exemple, quoique cette dernière action ne soit pas tout à fait innocente quand elle a pour but un gain extérieur.

Questions casuistiques.


Est-ce un suicide que de se dévouer (comme Curtius) à une mort certaine pour sauver la patrie ? — D’un autre côté, le martyre volontaire, qui consiste à se sacrifier au salut de l’humanité en général, doit-il être pris aussi, comme l’action précédente, pour un acte héroïque ?

Est-il permis de prévenir par le suicide une injuste condamnation à mort prononcée par son souverain ? — Même dans le cas où celui-ci le permettrait (comme fit Néron pour Sénèque) ?

Peut-on faire un crime à un grand monarque, mort depuis peu, d’avoir porté sur lui un poison très-subtil, sans doute afin de n’être pas obligé, s’il venait à être