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DEVOIRS ENVERS SOI-MÊME.

fermentées ou d’autres moyens de s’étourdir, comme l’opium et d’autres produits du règne végétal, et il le séduit en lui apportant pour un moment, avec l’oubli de ses soucis, un rêve de bonheur et même des forces imaginaires ; mais malheureusement l’ivresse amène à sa suite l’abattement et la faiblesse, et, ce qui est le pire, la nécessité d’y recourir de nouveau et toujours davantage. La gourmandise mérite plus encore d’étre mise au rang des jouissances animales, car elle n’occupe que les sens, qu’elle laisse dans un état tout passif, et elle n’excite pas le moins du monde l’imagination comme il arrive dans le cas précédent, où il y a encore place pour un jeu actif de représentations ; elle est donc encore plus voisine de la jouissance brutale.


Questions casuistiques.


Ne saurait-on, sinon à titre de panégyriste du vin, du moins à titre d’apologiste, en permettre un usage voisin de l’ivresse, par cette raison qu’il anime la conversation entre les convives et pousse ainsi les cœurs à s’ouvrir ? — Ou peut-on lui accorder le mérite d’opérer ce qu’Horace vante dans Caton, virtus ejus incaluit mero ?[1] – Mais comment fixer une mesure à celui qui est sur le point de tomber dans un état où ses yeux ne seront plus capables de rien mesurer ? L’usage de l’opium et de l’eau-de-vie, comme moyens de jouis-

  1. Narratur et prisci Catonis
      Sæpe mero caluisse virtus.

    Horace, ode 21 du livre III.