Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
DEVOIRS ENVERS SOI-MÊME.


tures raisonnables, et qui lui permet de se mesurer avec chacune d’elles et de s’estimer sur le pied de l’égalité.

L’humanité qui réside en sa personne est l’objet d’un respect qu’il peut exiger de tout autre homme, mais dont il ne doit pas non plus se dépouiller. Il peut et il doit donc s’estimer d’après une mesure qui est à la fois petite et grande, suivant qu’il se considère comme être sensible (dans sa nature animale), ou comme être intelligible (dans sa nature morale). Mais, comme il ne doit pas se considérer seulement comme une personne en général, mais encore comme un homme, c’est-à-dire comme une personne ayant des devoirs envers elle-même, que lui impose sa propre raison, son peu de valeur[1] comme homme animal[2] ne saurait nuire à la conscience de sa dignité comme homme raisonnable[3], et il ne doit pas renoncer à cette estime morale qu’il peut avoir pour lui-même en cette dernière qualité. En d’autres termes, il ne doit pas poursuivre sa fin, qui est un devoir en soi, d’une manière basse et servile (anima servili), comme s’il s’agissait de solliciter une faveur : ce serait abdiquer sa dignité ; mais il doit toujours maintenir en lui la conscience de la noblesse de ses dispositions morales, et cette estime de soi est un devoir de l’homme envers lui-même.

La conscience et le sentiment de notre peu de valeur morale en comparaison de ce qu’exige la loi est l’humilité morale (humilitas moralis). Se persuader au contraire, faute de se comparer à la loi, que l’on possède

  1. Seine Geringfügigkeit.
  2. Als Thiermensch.
  3. Als Vernunftmensch.