Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
DOCTRINE DE LA VERTU


cri arraché par une douleur corporelle, c’est déjà chose indigne de vous, à plus forte raison si vous avez conscience d’avoir mérité cette peine. Aussi un coupable ennoblit-il sa mort (en efface-t-il la honte) par la fermeté avec laquelle il meurt. – L’action de se mettre à genoux ou de se prosterner jusqu’à terre, n’eût-elle d’autre but que de représenter d’une manière sensible[1] l’adoration des choses célestes, est contraire à la dignité humaine. Il en est de même de la prière qu’on fait en présence de certaines images ; car alors vous vous humiliez non devant un idéal, que vous présente votre raison, mais devant une idole qui est votre propre ouvrage.

Questions casuistiques.


Le sentiment de la sublimité de notre destination, c’est-à-dire l’élévation d’âme[2] (elatio animi), qui porte si haut l’estime de soi-même, n’est-elle pas en nous trop voisine de la présomption[3] (arrogantia), qui est directement contraire à la véritable humilité (humilitas moralis), pour qu’il soit sage de nous y exciter, ne fissions-nous même que nous comparer avec les autres hommes et non avec la loi ? Ou au contraire l’abnégation de soi-même n’aurait-elle pas pour effet de donner aux autres une très-médiocre opinion de notre valeur personnelle, et n’est-elle pas ainsi contraire au devoir (de respect) envers soi-même ? Il semble dans tous les cas indigne d’un homme de s’humilier et de se courber devant un autre.


  1. Sich dadurch zu versinnlichen.
  2. Gemüthserhebung.
  3. Eigendünkel.