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DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


(estimant son devoir), est lui-même un devoir que les autres ont envers lui, et un droit auquel il ne peut renoncer. — De là l’amour de l’honneur[1], qui, se manifestant dans la conduite extérieure, devient l’honneteté[2] (honestas externa), et dont le mépris s’appelle scandale. En effet, l’exemple de ce mépris peut produire des imitateurs, et il est souverainement contraire au devoir de donner un pareil exemple. Mais prendre scandale d’une chose qui n’est insolite que parce qu’elle s’écarte de l’opinion vulgaire (paradoxon), mais qui en soi est bonne, c’est une erreur (qui consiste à tenir pour illégitime tout ce qui n’est pas usité), c’est une faute dangereuse et funeste pour la vertu. — En effet, le respect qu’on doit aux autres hommes qui nous donnent un exemple ne peut pas aller jusqu’à une aveugle imitation (car on élèverait ainsi l’usage [mos] à la dignité de loi) ; et ce genre de tyrannie de la coutume populaire serait contraire au devoir de l’homme envers lui-même.


§ 41.


L’omission des simples devoirs d’amour est un manque de vertu[3] (peccatum). Mais celle du devoir concernant le respect dû à chaque homme en général, est un vice (vitium). En effet, par la première on n’offense personne ; mais par la seconde on porte atteinte à une légitime prétention de l’homme. — La première transgression est l’opposé de la vertu (contrarie oppositum virtutis) ; mais ce qui, loin d’ajouter quelque chose

  1. Ehrliebe.
  2. Ehrbarkeit.
  3. Untugend.