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ANALYSE CRITIQUE


Kant 1[1], alors même qu’on aurait fait cette triste remarque, que notre espèce, vue de près, n’est malheureusement pas faite pour inspirer beaucoup d’amour. » Mais, s’il est faux de donner l’amour des hommes pour fondement au devoir de la bienfaisance, il est juste de reconnaître que la pratique de cette bienfaisance détermine en nous l’amour des hommes, et qu’à son tour celui-ci tend à faire de celle-là un penchant et une habitude. C’est en ce sens qu’il faut entendre le précepte : « Aime ton prochain comme toi-même. »

Du respect.

Enfin Kant 1, applique au respect la remarque qu’il a déjà faite au sujet du sentiment moral. Comme il s’agit encore ici d’un sentiment particulier qui est inévitablement lié à la conception de la loi du devoir, on ne peut le donner comme un devoir : ce serait faire un devoir du devoir même. Mais le respect que la loi morale ne manque pas de nous arracher pour notre propre personne, en un mot le respect de soi-même, est le principe de certains devoirs auxquels nous sommes obligés envers nous-mêmes, et il faut le cultiver à ce titre.

Des principes généraux qui doivent présider à l’étude de l’éthique.

Outre les dispositions subjectives que nous venons de reconnaître et dont la culture est la source même de la moralité, il faut encore avoir en vue, dans l’étude de la théorie de la vertu, certains principes qu’on a souvent méconnus au point d’y substituer les plus dangereuses maximes 2[2]. Le premier de ces principes est que pour chaque devoir il ne peut y avoir qu’un seul titre d’obligation. Quand on fournit plusieurs preuves en faveur d’un devoir, c’est un signe certain ou qu’on n’en a pas encore de preuve suffisante ou qu’on prend pour un seul et même devoir des devoirs différents. Selon Kant il n’en est pas ici de la morale comme des mathématiques : celles-ci admettent plusieurs preuves différentes pour une seule proposition, parce qu’il peut y avoir plusieurs manières de déterminer les propriétés d’un objet que notre esprit se trace à lui-même dans une intuition pure ; mais, comme en morale les preuves ne peuvent se faire qu’au moyen de certaines idées rationnelles qui ne donnent lieu à aucune construction de ce

  1. 1 P. 47-48.
  2. 2 XIII. Principes généraux de la métaphysique des mœurs qui doivent être suivis dans l’étude d’une doctrine pure de la vertu, p. 49.