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CONCLUSION.


est encore au-dessus de Jupiter. C’est cette Justice même qui prononce, conformément au droit, avec une nécessité inflexible et pour nous inaccessible. — En voici quelques exemples :

xxLa peine (suivant l’expression d’Horace) ne perd pas de vue le coupable qui marche fièrement devant elle ; elle le suit toujours, mais en boitant, jusqu’à ce qu’elle l’atteigne. — Le sang injustement versé crie vengeance. — Le crime ne peut demeurer impuni : si le coupable échappe à la punition, sa postérité payera pour lui ; ou, s’il ne reçoit pas son châtiment dans cette vie, il le recevra dans une autre (après la mort) [Note de l’auteur 1] ; et l’on n’admet cette autre vie, on n’y croit volontiers, que pour donner satisfaction aux droits de l’éternelle justice. — Je ne veux pas, disait un jour un prince fort sage, ouvrir au meurtre la porte de mes États, en faisant grâce au duelliste assassin pour lequel vous me suppliez. — Il faut que la dette du péché soit acquittée, dut un innocent s’offrir en victime expiatoire (quoiqu’on ne puisse donner le nom de punition à la souffrance qui retombe sur lui, puisqu’il n’a point péché lui-même). Tous ces exemples montrent que ce n’est point à une personne administrant la justice que l’on attribue ces sentences de condamnation (car elle ne pourrait prononcer ainsi sans se montrer injuste à l’égard des autres), mais que c’est la seule justice, comme principe transcendant, conçu dans un sujet supra-sensible, qui détermine le droit de cet Être, lequel est, il est vrai, d’accord avec la forme de ce principe, mais con-
  1. Das Daseyn desselben in der Erscheinung.

  1. Il n’est pas même nécessaire de faire intervenir ici l’hypothèse d’une vie future pour se représenter dans toute son intégrité l’exécution de cette peine qui menace le coupable. En effet l’homme, considéré dans sa moralité, est jugé comme un objet supra-sensible en présence d’un juge supra-sensible, et non d’après des conditions de temps ; il n’est question ici que de son existence. Sa vie terrestre, qu’elle soit courte ou longue, ou même éternelle, n’est que son existence phénoménale[1] et le concept de la justice n’a pas besoin d’une détermination plus précise. Aussi bien ne commence-t-on point proprement par admettre la croyance en une vie future, où la justice pénale puisse s’accomplir, mais conclut-on bien plutôt cette vie future de la nécessité de la punition.