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D’UN PRÉTENDU DROIT DE MENTIR PAR HUMANITÉ.




Dans le recueil la France, année 1797, sixième partie no 1 : des réactions politiques, par Benjamin Constant[1], on lit ce qui suit, p. 123[2] :

« Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris d’une manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu’a tirées de ce premier principe un philosophe allemand, qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime[Note de l’auteur 1].

» Le philosophe français réfute ce principe de la manière suivante, p. 124. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. »

Le πρῶτον ψεῦδος gît ici dans cette proposition : dire la vérité n’est un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité.

  1. L’écrit cité ici par Kant a été réimprimé par Benjamin Constant dans la collection complète de ses œuvres politiques, troisième volume, sixième partie. J’ai dû naturellement rétablir le texte de l’auteur, partout où Kant le traduit. J. B.
  2. Dans la réimpression que je viens d’indiquer, p. 98.
  1. « J. D. Michaelis de Gœttingue a avancé cette opinion singulière avant Kant. Mais l’auteur de cet écrit m’a dit à moi-même que Kant était le philosophe dont il est question dans ce passage. » K. Fr. Kramer *.

    *. Je reconnais ici avoir réellement dit cela quelque part, mais je ne puis plus maintenant me rappeler où. J. Kant (*).

    (*). Consultez, sur ce point, mon introduction. J. B.