Page:Kant - Doctrine de la vertu.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
A UNE MÈRE


est-il tout autrement. Les séductions qui déjà de loin se préparaient à entraîner une jeunesse encore mal défendue, les calamités et les disgrâces dont le menaçait l’avenir, autant de maux auxquels échappe heureusement celui qu’une mort prématurée emporte dans une heure bénie, tandis que les amis et les parents, ignorant l’avenir, pleurent la perte de ces années, qui, à ce qu’ils se figurent, eussent glorieusement couronné la vie de celui qu’ils regrettent. Je veux, avant de terminer ces quelques lignes, tracer une courte esquisse de la vie et du caractère du défunt. Je tire ce que je vais rapporter des renseignements que m’a fourni son ami M. Hofmeister, qui le pleure tendrement, ou de ce que j’ai pu connaître par moi-même. Mais combien n’y a-t-il pas de bonnes qualités qui ne sont connues que de celui qui voit dans le plus profond des cœurs, et qui s’efforcent d’autant moins de paraître au grand jour qu’elles sont plus nobles !

M. Jean Frédéric de Funk était né en Courlande le 4 octobre 1738 d’une très-noble famille. Dès son enfance, il n’avait jamais joui d’une parfaite santé. Il fut élevé avec un grand soin et montra beaucoup d’ardeur pour l’étude ; la nature avait déposé dans son cœur le germe des plus nobles qualités. Il vint le 15 juin 1759, avec monsieur son jeune frère, sous la conduite de leur maître M. Hofmeister, dans notre académie. Il se soumit avec tout l’empressement possible à l’examen de M. le doyen d’alors, et cet examen fit honneur à son travail et à l’enseignement de son maître M. Hofmeister.

Il suivit avec une assiduité exemplaire les leçons de M. le conseiller du consistoire et professeur Teske, aujourd’hui grand recteur de l’Université[1], ainsi que celles de M. le docteur en droit Funk et les miennes. Il vécut isolé et paisible, ce qui lui permit de conserver encore le peu de forces de son corps, porté à la consomption, jusqu’à ce que, vers la fin de février de cette année, il en fut peu à peu si attaqué que ni les soins qui lui furent donnés, ni le zèle d’un habile médecin ne purent le conserver plus longtemps. Le 4 mai de cette année, après s’être préparé à une fin édifiante avec la fermeté et la piété ardente d’un chrétien, il mourut doucement et saintement, avec l’assistance de son fidèle pasteur, et il fut en-

  1. Rectoris magnifici der Universität.