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ANALYSE CRITIQUE


ture et à leur degré ; aussi le devoir qu’elle nous prescrit est-il large ou imparfait.

Du développement de notre perfection morale.

Mais nous n’avons encore parlé que du perfectionnement des dispositions et des facultés naturelles de l’homme, ou de ce qui est en lui le don de la nature plutôt que son œuvre personnelle ; il faut y joindre l’accroissement de sa perfection morale 1[1]. C’est encore un devoir de l’homme envers lui-même, c’est le premier de tous ses devoirs de travailler à purifier si bien ses intentions qu’elle n’aient plus d’autre mobile que le respect du devoir, en un mot de tendre à la perfection. Il semble qu’ici le devoir soit strict ou parfait ; et en effet comment admettre du plus ou du moins dans la pureté morale ? Mais, d’un autre côté, comme la perfection qui sortirait de cette pureté est un idéal que nous ne pouvons nous flatter d’atteindre en cette vie, et comme il doit y avoir bien des degrés différents entre ce but suprême et celui où cesse toute vertu, il suit que tout ce que la morale peut exiger de nous, c’est qu’à travers ces divers degrés nous tendions à la perfection même de la vertu, c’est-à-dire à la sainteté, ce qui sans doute a aussi son mérite. En ce sens le devoir d’être parfait n’est, comme dit Kant, qu’un devoir imparfait.

Devoirs envers les autres hommes.

Nous arrivons maintenant à la seconde branche des devoirs hommes. de vertu : aux devoirs envers les autres hommes. 2[2] Il faut d’a bord considérer les hommes simplement comme hommes, c’est-à-dire indépendamment de leur état de civilisation, de leur profession ou de leur position, des différences d’âge ou de sexe, etc. À ce point de vue général, leurs devoirs réciproques se divisent en deux grandes classes : les uns ont pour caractère de créer une obligation chez ceux envers qui on les remplit, et ils sont méritoires relativement à eux ; les autres ne sont qu’une dette payée à la dignité de la nature humaine, et en ce sens ils sont obligatoires. Les premiers se rapportent à l’amour, et les seconds au respect. L’amour et le respect ont dans le monde moral un rôle analogue à celui de l’attraction et de la répulsion dans le monde physique : le premier tend à nous rapprocher incessamment les uns des autres ; le

  1. 1 §§ 21-22, p. 115-117.
  2. 2 P. 119.