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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


blables. Les considérations sur lesquelles il appuie cette conclusion soulèvent elles-mêmes bien des objections ; mais j’ai dû les réserver pour la partie critique de mon travail, à la quelle me voici justement arrivé.

critique

J’ai déjà dit, dans mon examen de la Doctrine du droit 1[1], ce que je pense de la distinction que Kant établit entre les devoirs de droit et les devoirs de vertu et d’après laquelle il divise toute la morale en deux grandes branches correspondant à ces deux classes de devoirs : je la crois aussi exacte que lumineuse, et aussi importante qu’exacte. Mais, comme Kant lui-même y est revenu en tête de la Doctrine de la vertu 2[2], et comme d’ailleurs elle peut susciter des objections, j’y veux revenir à mon tour pour en montrer encore une fois l’exactitude et l’importance. Il est bien entendu que je laisse de côté les détails de la démonstration et que je ne m’attache qu’aux traits principaux ; il se peut que les premiers, venant de formes propres à l’auteur, donnent prise à la critique, mais les seconds expriment une vérité incontestable et capitale.

Parmi les devoirs auxquels nous soumet la loi morale, il en est qui ont ce caractère particulier qu’ils peuvent en outre nous être imposés par une contrainte extérieure et être convertis en lois positives. Tel est, par exemple, celui qui m’oblige de restituer à quelqu’un le dépôt qu’il m’a confié. Ces devoirs sont ceux qui correspondent à certains droits dans autrui. En effet, de ce que vous avez un droit, il suit que non-seulement j’ai le devoir de le respecter, mais que je puis être légitimement contraint à l’accomplissement de ce devoir : le droit, comme dit Kant, implique la faculté de contraindre ; et, comme la société civile est tout justement instituée pour garantir les droits de chacun au moyen de la force publique, elle doit pouvoir inscrire dans sa législation toutes les obligations qui y correspondent. Toutes ces obligations qui peuvent être l’objet d’une contrainte et d’une législation extérieures, parce qu’elles sont corrélatives à certains droits dans autrui, Kant, pour cette même raison, les nomme des devoirs de droit.

  1. 1 P. cxxxix.
  2. 2 Voyez plus haut, p. ii—x.