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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON


système indépendant), considérer la révélation, en tant que système historique, d’une façon seulement fragmentaire, n’en retenir que les concepts moraux et voir si de cette manière je ne serai pas ramené au même système rationnel pur de religion, système qui, sans doute, au point de vue spéculatif (où doit rentrer aussi le point de vue techniquement pratique, celui de la méthode d’enseignement, qui est une technologie), ne pourrait pas être autonome, mais le serait au point de vue moralement pratique et suffirait pour la religion proprement dite, laquelle, en tant que concept rationnel a priori (qui demeure, une fois disparus tous les éléments empiriques), existe seulement à cette condition. Si l’essai tenté réussit, on aura le droit d’affirmer qu’il y a non seulement compatibilité, mais union entre la raison et l’Écriture, de sorte que l’homme qui suivra l’une (sous la direction des concepts moraux) devra se rencontrer immanquablement avec l’autre. Mais si le contraire se produisait, on aurait, dans une personne, ou deux religions, ce qui est absurde, ou une religion et un culte ; et dans ce dernier cas, le culte n’étant pas (comme la religion) une fin en lui-même et n’ayant de valeur qu’à titre de moyen, il faudrait fréquemment les battre ensemble pour arriver à les voir s’unir quelques instants et se séparer tout de suite après, comme l’huile et l’eau, l’élément moral pur (la religion de la raison) continuant à surnager.

Le penseur qui s’occupe de philosophie religieuse trouve dans ses attributions le droit complet de faire cette union ou d’essayer de la réaliser, et ce n’est pas là un empiétement sur les droits exclusifs du théologien biblique : je l’ai fait remarquer dans la première préface. Depuis, j’ai trouvé la même assertion dans la Morale de feu Michaelis (1re partie, pp. 5-11), homme également versé dans les deux matières ; et il ne l’a pas seulement émise, mais s’y est conformé dans tout son ouvrage, sans que la Faculté