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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

second (provenant de mobiles qui ne consistent pas dans la loi même) pourrait être évité de plusieurs manières. Le premier est un fait intelligible, qui n’est connaissable que par la raison, sans aucune condition de temps ; le second est un fait sensible, empirique, donné dans le temps (factum phænomenon). C’est surtout par comparaison avec le second que le premier de ces péchés est appelé simple penchant ; et il est dit inné parce qu’il ne peut pas être extirpé (car pour cela la maxime suprême devrait être celle du bien, tandis que, dans ce penchant même, a été adoptée la maxime mauvaise), et surtout parce que nous ne pouvons pas expliquer pourquoi le mal en nous a précisément corrompu la maxime suprême, bien que pourtant ce mal soit notre propre fait, pas plus que nous ne pouvons indiquer la cause d’une propriété fondamentale inhérente à notre nature. ― Les explications qui précèdent font voir pour quel motif, au début du présent article, nous cherchions les trois sources du mal moral uniquement dans celui qui affecte, suivant des lois de liberté, le principe suprême qui nous fait adopter ou suivre nos maximes, et non dans celui qui affecte la sensibilité (en tant que réceptivité).


III. ― L’HOMME EST MAUVAIS PAR NATURE.


Vitiis nemo sine nascitur.
(Horat.)


Cette proposition : l’homme est mauvais, ne peut, d’après ce qui précède, vouloir dire autre chose que ceci : l’homme a conscience de la loi morale, et il a cependant adopté pour maxime de s’écarter (occasionnellement) de cette loi. Dire qu’il est mauvais par nature, c’est regarder ce qui vient d’être dit comme s’appliquant à toute l’espèce humaine : ce qui ne veut pas dire que la méchanceté soit