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POSSIBILITÉ DE LA PHYSIQUE PURE.


ces lois, puisqu’elles ne sont pas des règles de la connaissance analytique, mais de véritables extensions synthétiques de cette espèce de connaissance. Un tel et même nécessaire accord des principes de l’expérience possible avec les lois de la possibilité de la nature, ne peut avoir lieu que par deux sortes de raisons : ou ces lois sont tirées de la nature par le moyen de l’expérience, ou, à l’inverse, la nature est dérivée des lois de la possibilité de l’expérience en général, et est identique avec la pure légitimité universelle de cette dernière. La première de ces alternatives implique contradiction, car les lois physiques universelles peuvent et doivent être connues a priori (c’est-à-dire indépendamment de toute expérience), et posées comme fondement de tout usage empirique de l’entendement[1].

Mais nous devons distinguer les lois empiriques de la nature, qui supposent toujours des perceptions particulières, des lois pures ou universelles de la nature qui, sans se fonder sur des perceptions particulières, contiennent simplement les conditions de leurs liaisons nécessaires dans une expérience ; par rapport à ces dernières, la nature et l’expérience possible sont tout à fait la même chose. Et comme en fait d’expé-

  1. Crusius seul a connu un moyen terme : à savoir qu’un esprit qui ne peut ni tromper ni se tromper, nous a inculqué originairement ces lois naturelles. Mais cependant comme des principes trompeurs interviennent souvent, ainsi que le système de cet homme célèbre en fournit d’assez nombreux exemples, on voit au défaut de critères certains et propres à faire distinguer l’origine authentique de la fausse, que l’usage d’un tel principe est très douteux, puisqu’on ne peut jamais savoir ce que l’esprit de vérité ou le père du mensonge peut nous avoir inculqué.