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PRÉFACE.


l’avoir engendré dans son sein, de lui dire de quel droit elle pense que quelque chose peut être de telle nature que, s’il est posé, quelque autre chose nécessairement doit être aussi posé par le fait ; car c’est ce que dit la notion de cause. Il prouve invinciblement qu’il est tout à fait impossible à la raison de penser a priori et par des notions une pareille liaison, puisqu’elle renferme une nécessité. Au contraire, on ne saurait voir comment, parce que quelque chose existe, quelque autre chose doit aussi exister nécessairement, ni de quelle manière par conséquent la notion d’une pareille liaison peut s’établir a priori. D’où il conclut que la raison se trompe entièrement sur ce concept ; qu’elle le tient faussement pour son enfant, qu’il n’est qu’un bâtard de l’imagination, qui, engrossée par l’expérience, a soumis certaines représentations à la loi de l’association, et fait passer une nécessité subjective qui en découle, c’est-à-dire une habitude, pour une nécessité objective par intuition. D’où il conclut que la raison ne possède aucun pouvoir de former par la pensée de semblables liaisons, même d’une manière purement générale, parce qu’alors ses concepts ne seraient que de pures fictions, et que toutes ses prétendues connaissances a priori ne seraient que des expériences communes estampillées faussement ; ce qui revient à dire qu’il n’y a pas de métaphysique du tout, et qu’il ne peut y en avoir aucune[1].

  1. Hume appelait cependant cette philosophie négative même une métaphysique, et y attachait un haut prix : « La métaphysique et la mo-