Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/166

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il ne reste plus qu’un Déisme dont on ne peut rien faire, qui nous est inutile, et qui ne peut servir de fondement à la religion ni à la morale. Si cette nécessité de l’anthropomorphisme était certaine, en vain les preuves de l’existence d’un être suprême, quelles qu’elles puissent être, seraient accordées, la notion de cet être ne pourrait cependant jamais être déterminée par nous, sans tomber dans une contradiction.

Si à la défense d’éviter tous les jugements transcendants de la raison pure, nous joignons le précepte en apparence contraire de s’élever jusqu’aux notions qui sont en dehors du champ de l’usage immanent (empirique), nous comprendrons que les deux choses sont compatibles, mais sur les limites de tout usage permis de la raison ; car ces limites appartiennent aussi bien au champ de l’expérience qu’à celui des êtres de raison, et nous apprendrons en même temps par là comment ces idées si remarquables ne servent qu’à la délimitation de la raison humaine, c’est-à-dire d’une part à étendre dans une certaine mesure la connaissance expérimentale, au point que nous n’ayons rien à connaître que le monde, d’autre part cependant à franchir les limites de l’expérience, et à vouloir juger des choses qu’elle ne contient pas, comme choses en soi.

Mais nous restons sur ces limites, si nous restreignons notre jugement au seul rapport que peut avoir le monde à un être dont la notion même est en dehors de toute connaissance dont nous sommes capables dans le monde. Car alors nous n’attribuons à l’être