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jective, et faciliter ainsi l’acheminement aux champs féconds, par lui si haut prisés, de la psychologie et de la théologie, chemin que la tête de Méduse de la Critique voulait faire abandonner à l’une et à l’autre, comme absolument impraticable. Voici sa preuve (p. 169-170) : « Le temps concret[1] ou le temps que nous sentons (ce qui veut dire dans lequel nous sentons quelque chose), n’est que la succession de
- ↑ L’expression d’un temps abstrait (p « 170), par opposition à celle-ci du temps concret, est tout à fait impropre, et ne doit jamais être permise surtout lorsqu’il s’agit de la plus grande précision logique, quoique cet abus ait été autorisé par les nouveaux logiciens. On n’abstrait pas une notion comme signe (idée) commun, mais dans l’usage d’une notion, on fait abstraction de ce qu’elle comprend sous elle. Les chimistes sont seuls en possession d’abstraire, quand ils séparent un liquide d’autres matières, pour l’avoir séparément. Le philosophe fait abstraction, abstrait de quelque chose à quoi il ne veut pas avoir égard dans un certain usage de la notion. Celui qui veut esquisser des règles d’éducation peut le faire de telle sorte qu’il mette en principe soit la simple notion d’un enfant (in abstracto) ou celle d’un enfant citoyen (in concreto), sans parler de la différence de l’enfant abstrait et de l’enfant concret. Les distinctions d’abstrait et de concret ne regardent que l’usage des notions, et non les notions elles-mêmes. L’omission de cette précision scolastique fausse souvent le jugement sur un objet. Quand je dis : le temps ou l'espace abstraits ont telles ou telles propriétés, c’est comme s’ils tenaient originairement aux objets des sens, comme la couleur rouge à la rose, au cinabre, etc., et qu’ils n’en pussent être séparés que logiquement. Mais si je dis : dans le temps et l’espace considérés in abstracto, c’est-à-dire avant toutes conditions empiriques, on remarque telles ou telles qualités, je me tiens du moins pour libre encore de considérer ces qualités comme susceptibles d’être connues indépendamment de l’expérience (a priori) ce que je ne suis pas libre de faire si je considère le temps comme indépendant de l’expérience (a priori). Je puis, dans le premier cas, juger, du moins essayer de juger par principes, a priori, du temps et de l’espace purs, à la différence de ces deux choses déterminées empiriquement, puisque je fais abstraction de tout ce qui est empirique, ce qui m’est impossible dans le second cas, si j’ai abstrait ces notions mêmes (comme on dit) de l’expérience seule (comme dans l’exemple précédent de la couleur rouge). Aussi ceux qui veulent échapper avec leur savoir d’apparence à un examen précis, sont obligés de se réfugier sous des expressions qui peuvent faire passer inaperçue cette vaine science.