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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE


ces notions, l’expérience même peut servir de preuve à leur réalité, quoiqu’on ne voie pas comment, sans être dérivées de l’expérience, elles peuvent avoir leur origine dans l’entendement pur, par conséquent a priori ; par exemple, la notion d’une substance, et la proposition que dans tous les changements la substance reste, que les accidents seuls arrivent ou passent. Le physicien admet sans hésiter que ce pas de la métaphysique est réel, et non purement imaginé, car il en fait usage avec un entier succès dans toute contemplation de la nature, procédant par expérience, assuré qu’il est de n’être contredit par aucun fait, non point parce qu’une expérience ne lui a jamais donné de démenti jusqu’ici, quoiqu’il ne puisse pas prouver non plus comment ce principe doit se rencontrer a priori dans l’entendement, mais parce que c’est un fil conducteur dont l’entendement ne peut se passer pour établir une expérience.

Mais ce qui fait que le propre de la métaphysique est de trouver une pierre de touche pour éprouver la notion de ce qui sort du champ de l’expérience possible, de ce qui étend la connaissance par cette notion, quand cette connaissance est réelle ; cela, dis-je, pourrait presque désespérer le métaphysicien le plus résolu, pourvu seulement qu’il entendît ce qu’on lui demande. Car s’il s’élève au-dessus de la notion par laquelle il peut simplement concevoir des objets mais sans pouvoir les prouver par aucune expérience possible, et si cette pensée n’est possible que parce qu’elle saisit la notion de telle sorte qu’elle ne s’y contredit