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DEPUIS LEIBNIZ ET WOLF.


point ; alors il peut concevoir tout ce qu’il voudra, avec la certitude qu’il ne rencontrera aucune expérience qui le contredise, parce qu’il a imaginé un objet, par exemple un esprit, avec une détermination telle qu’il ne peut être absolument aucun objet de l’expérience. En effet, peu lui importe qu’aucune expérience particulière ne confirme son idée, puisqu’il a voulu concevoir une chose avec des déterminations qui s’élèvent au-dessus de toutes les bornes de l’expérience. De pareilles notions peuvent donc être tout à fait vaines, et par conséquent les propositions qui en admettent les objets comme réels entièrement erronées ; et il n’y a cependant aucune pierre de louche propre à découvrir cette erreur.

La notion même du sursensible, à laquelle la raison s’intéresse à tel point que la métaphysique n’existe en général, au moins comme tentative, qu’à cause d’elle, a toujours été et sera toujours. Cette notion est-elle une réalité objective, ou une simple fiction, c’est ce qui, par la même raison, ne peut se décider théoriquement par aucune épreuve ou critère. Car si, à la vérité, on n’y trouve pas de contradiction, mais si, i• d’un autre côté, tout ce qui est et qui peut être n’est pas non plus un objet de l’expérience possible, on ne saurait établir ou contredire par aucune preuve que cette notion du sursensible soit capable de fonder qu’elle ne soit pas en général parfaitement vide, et que le prétendu passage du sensible au sursensible n’en soit par conséquent pas trop éloigné pour qu’on puisse le réputer réel.