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PROLÉGOMÈNES A LA MÉTAPHYSIQUE


bilité ne représente pas des choses en soi, mais seulement leurs phénomènes, il est bien facile de comprendre alors, et même de prouver invinciblement, que tous les objets extérieurs du monde sensible doivent s’accorder de tous points avec les propositions de la géométrie, parce que la sensibilité, à l’aide de sa forme des intuitions extérieures (l’espace) dont s’occupe le géomètre, rend seule possibles enfin les objets comme simples phénomènes. Ce sera toujours un fait digne de remarque dans l’histoire de la philosophie, qu’il ait été un temps où les mathématiciens mêmes qui étaient aussi philosophes, aient commencé à douter, non pas, il est vrai, de la justesse de leurs propositions géométriques en tant qu’elles ne concernent que l’espace, mais de la valeur objective et de l’application de cette notion même et de toutes ses déterminations à la nature, puisqu’ils n’étaient pas bien sûrs qu’une ligne pût naturellement se composer de points physiques, et, par suite, le véritable espace dans l’objet se composer de parties simples, quoique l’espace que le géomètre pense ne puisse se composer de rien de semblable. Ils ne s’aperçurent pas que cet espace n’est pas une propriété des choses en elles-mêmes, que ce n’est qu’une forme de notre représentation sensible ; que tous les objets dans l’espace sont de simples phénomènes, c’est-à-dire non pas des choses en soi, mais des représentations de nos intuitions sensibles, et que l’espace, tel que le conçoit le géomètre, étant la forme très exacte de l’intuition sensible que nous trouvons en nous a priori et qui