Mais si, avec mes notions d’espace et de temps, j’ose sortir de toute expérience possible ce qui est inévitable quand je les donne pour des propriétés inhérentes aux choses en soi (qu’est-ce qui pourrait alors m’empêcher en effet de les rapporter cependant aux mêmes choses, si mes sens pouvaient être organisés autrement, et de manière à se trouver ou non en harmonie avec elles ?) —, alors une erreur grave est possible ; elle porte sur une apparence, lorsque je donne ce qui n’était qu’une simple condition personnelle de l’intuition des choses, et qui n’avait de valeur certaine que pour tous les objets des sens, par conséquent pour toute l’expérience possible seulement, comme universellement valable, parce que je la rapportais aux choses en elles-mêmes, au lieu de la restreindre aux conditions de l’expérience.
Tant s’en faut donc que ma doctrine de l’idéalité de l’espace et du temps fasse du monde sensible tout entier une simple apparence, qu’elle est bien plutôt l’unique moyen d’assurer l’application de l’une des connaissances les plus importantes, de celle que la mathématique expose a priori, à des objets réels, et d’empêcher qu’elle ne soit prise pour une simple apparence, parce qu’il serait absolument impossible sans cette remarque, de décider si les intuitions d’espace et de temps, que nous n’empruntons d’aucune expérience, et qui sont cependant a priori dans notre représentation, ne seraient pas de pures chimères qui n’auraient pas d’objet, pas d’objet adéquat du moins, et par conséquent si la géométrie elle-même n’est pas