jouir paisiblement de sa grandeur, en songeant à la mort prochaine d’un Monarque aussi faible de corps que d’esprit, à l’héritier légitime du trône, qui, au milieu des honneurs dus à son rang, n’en était pas moins exilé, et que sa mère et ses parens élevaient dans la haine contre le régent, et dans des sentimens de fureur et de vengeance ? Si Dmitri venait à succèder à Fédor, quel sort attendait Irène ? Un couvent. Et Godounoff ? La prison ou l’échafaud, lui qui d’un geste ébranlait l’État, et que flattaient les Rois de l’Orient et de l’Occident ?… Déjà les faits avaient dévoilé l’âme de Boris : les infortunés qu’il redoutait, avaient péri dans les cachots ou sur le billot. Et quel ennemi était plus dangereux pour lui que Dmitri !
Mais l’âme de Godounoff était encore dévorée de désirs insatiables. Fier de ses qualités brillantes, de ses services, de sa gloire et des flatteries dont il était l’objet ; ivre de bonheur et de pouvoir, cédant à ce charme qui entraîne les âmes même les plus nobles ; étourdi par une élévation qu’il n’avait été donné d’atteindre à aucun sujet en Russie, Boris portait