Page:Kardec - Le livre des esprits, 2è édition, 1860.djvu/38

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n’en jouit pas moins de la plénitude de ses facultés. C’est dans son genre, comme homme, un martyr du travail.

Toutes les grandes préoccupations de l’esprit peuvent occasionner la folie : les sciences, les arts, la religion même fournissent leur contingent. La folie a pour cause première une prédisposition organique du cerveau qui le rend plus ou moins accessible à certaines impressions. Étant donné une prédisposition à la folie, celle-ci prendra le caractère de la préoccupation principale qui devient alors une idée fixe. Cette idée fixe pourra être celle des Esprits chez celui qui s’en est occupé, comme elle pourra être celle de Dieu, des anges, du diable, de la fortune, de la puissance, d’un art, d’une science, de la maternité, d’un système politique social. Il est probable que le fou religieux fût devenu un fou spirite, si le spiritisme eût été sa préoccupation dominante, comme le fou spirite l’eût été sous une autre forme suivant les circonstances.

Je dis donc que le spiritisme n’a aucun privilége sous ce rapport ; mais je vais plus loin : je dis que, bien compris, c’est un préservatif contre la folie.

Parmi les causes les plus nombreuses de surexcitation cérébrale, il faut compter les déceptions, les malheurs, les affections contrariées, qui sont en même temps les causes les plus fréquentes de suicide. Or, le vrai spirite voit les choses de ce monde d’un point de vue si élevé ; elles lui paraissent si petites, si mesquines auprès de l’avenir qui l’attend ; la vie est pour lui si courte, si fugitive, que les tribulations ne sont à ses yeux que les incidents désagréables d’un voyage. Ce qui, chez un autre, produirait une violente émotion, l’affecte médiocrement ; il sait d’ailleurs que les chagrins de la vie sont des épreuves qui servent à son avancement s’il les subit sans murmure, parce qu’il sera récompensé selon le courage avec lequel il les aura supportées. Ses convictions lui donnent donc une résignation qui le préserve du désespoir, et par conséquent d’une cause incessante de folie et de suicide. Il sait en outre, par le spectacle que lui donnent les communications avec les Esprits, le sort de ceux qui abrégent volontairement leurs jours, et ce tableau est bien fait pour le faire réfléchir ; aussi le nombre de ceux qui ont été arrêtés sur cette pente funeste est-il considérable. C’est là un des résultats du spiritisme. Que les incrédules en rient tant qu’ils voudront ; je leur souhaite les consolations