Page:Kardec - Le livre des esprits, 2è édition, 1860.djvu/487

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rigueur, et qu’il punit du dernier supplice les trois quarts de ses sujets pour une offense ou une infraction à ses lois, ceux mêmes qui ont failli pour ne les avoir pas connues ? Ne serait-ce pas là une contradiction ? Or, Dieu peut-il être moins bon que ne le serait un homme ? Une autre contradiction se présente ici. Puisque Dieu sait tout, il savait donc en créant une âme qu’elle faillirait ; elle a donc été, dès sa formation, vouée au malheur éternel : cela est-il possible, rationnel ? Avec la doctrine des peines relatives, tout est justifié. Dieu savait, sans doute, qu’elle faillirait, mais il lui donne les moyens de s’éclairer par sa propre expérience, par ses fautes mêmes ; il est nécessaire qu’elle expie ses erreurs pour être mieux affermie dans le bien, mais la porte de l’espérance ne lui est pas fermée à tout jamais, et Dieu fait dépendre le moment de sa délivrance des efforts qu’elle fait pour y arriver. Voilà ce que tout le monde peut comprendre, ce que la logique la plus méticuleuse peut admettre. Si les peines futures eussent été présentées sous ce point de vue, il y aurait bien moins de sceptiques.

Le mot éternel est souvent employé, dans le langage vulgaire, comme figure, pour désigner une chose de longue durée et dont on ne prévoit pas le terme, quoique l’on sache très bien que ce terme existe. Nous disons, par exemple, les glaces éternelles des hautes montagnes, des pôles, quoique nous sachions, d’un côté, que le monde physique peut avoir une fin, et d’autre part, que l’état de ces régions peut changer par le déplacement normal de l’axe ou par un cataclysme. Le mot éternel, dans ce cas, ne veut donc pas dire perpétuel jusqu’à l’infini. Quand nous souffrons d’une longue maladie, nous disons que notre mal est éternel ; qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que des Esprits qui souffrent depuis des années, des siècles, des milliers d’années même, en disent autant ? N’oublions pas surtout que leur infériorité ne leur permettant pas de voir l’extrémité de la route, ils croient souffrir toujours, et que c’est pour eux une punition.

Au reste, la doctrine du feu matériel, des fournaises et des tortures empruntées au Tartare du paganisme, est aujourd’hui complètement abandonnée par la haute théologie, et ce n’est plus que dans les écoles que ces effrayants tableaux allégoriques sont encore donnés comme des vérités positives, par quelques hommes plus zélés qu’éclairés, et cela bien à tort, car ces jeunes imaginations, une fois revenues de leur terreur, pourront augmenter