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avec Caroline, les jours où celle-ci avait congé et sortait de sa pension[1].

Son existence se dédoubla encore davantage. Passant un jour son temps au milieu du cercle de sa grand’mère, des dames de Pardaillan, de Maleteste, de la Marlière, de Ferrières, de Béranger, des abbés de Beaumont, d’Andrezel, etc., tous représentants de l’ancien régime, Aurore prêtait l’oreille à leur conversation, à leurs opinions orthodoxes et légitimistes, aux railleries dont on criblait Napoléon et l’Empire, et elle observait toutes ces figures originales et ces manières recherchées. L’esprit d’observation et l’instinct artistique s’éveillaient en elle à son insu. Elle avait là, devant elle comme une galerie d’anciens portraits, chacun empreint du sceau de la personnalité et de l’originalité la plus frappante. Tous ces personnages étaient les intimes de sa grand’mère, parlaient le même langage, mais la plupart lui étaient inférieurs par l’esprit et l’instruction. La vieille dame les aimait néanmoins et les proposait à Aurore comme des modèles de « gens corrects et policés ».

Le Lendemain, en entrant dans Le petit appartement de sa mère, Aurore était témoin de sorties virulentes contre toutes ces dames et ces seigneurs et se tordait de rire au spectacle de Sophie, qui, douée d’un don d’imitation étonnant, représentait, sous l’aspect le plus comique, chacune des vieilles comtesses (comme elle les appelait) qu’elle détestait, ou lorsqu’elle se répandait, une fois lancée, en furieuses invectives contre leur hypocrisie, leur immoralité, la futilité de leur vie ; elle allait si loin dans ses accusations qu’elle disait souvent des choses que les

  1. Histoire, t. II. p. 295-308