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qui n’empêche et n’empêchera nullement Sophie et ses pareilles de les traiter d’aristocrates douillettes. La petite Aurore, elle aussi, par excès d’amour pour sa mère, traitait alors dédaigneusement sa grand’mère. Mais le moment n’était pas loin où allait s’éveiller dans son cœur une grande affection pour la vieille dame qui l’idolâtrait. La jeune fille devait bientôt comprendre quelle amie instruite, perspicace et sage, le destin lui avait donnée pour remplacer le père qu’elle avait perdu trop tôt et pour faire contre-poids à une mère dénuée de tact et de culture intellectuelle.

Cependant les années s’écoulaient l’une après l’autre. À Paris, Aurore étudiait, tantôt seule, tantôt en compagnie de petits garçons et de petites filles de son âge et de son monde ; elle apprenait l’écriture, La danse, le dessin, la musique et même la grammaire et l’histoire. Elle avait pour maîtres des professeurs en vogue, mais la plupart du temps c’étaient des hommes sans aucun talent ni esprit, ou bien des survivants du siècle dernier dans le genre de M. Gogault, son maître de danse.

Lorsqu’en 1814, effrayée par l’entrée des alliés en France, la grand’mère se retira à Nohant plus tôt que d’habitude et puis y resta plus de quatre ans sans presque jamais en bouger, Aurore fut confiée aux soins de Deschartres. Celui-ci n’établissait aucune différence entre les garçons et les filles, et était d’avis qu’il fallait leur donner une instruction et une éducation identiques. Notons cette circonstance comme ayant joué, à notre avis, un rôle fort important dans le développement de la logique « non féminine » de George Sand et de tout le pli de sa pensée. Aussi Deschartres enseignait-il à Aurore comme à Hippolyte les grammaires française et latine, la versification, les mathématiques, la botanique et la zoologie.